
Abus de position dominante et secteur public : l’application par les autorités de la concurrence du droit des abus de position dominante aux opérateurs publics
par Claire Mongouachon, soutenue en 2010
En raison des moyens exorbitants mis à la disposition du secteur public, les opérateurs publics se trouvent souvent dans une situation de force sur le marché. Cette position privilégiée engendre un risque accru de pratiques anticoncurrentielles pour les opérateurs publics et nécessite, corrélativement, une surveillance étroite de la part des autorités et juridictions en charge de la concurrence. De ce point de vue, la notion d’abus de position dominante, telle qu’elle découle de l’article 102 TFUE, revêt une place centrale. Loin de nier la spécificité des opérateurs du secteur public, le droit européen des abus de position dominante fonde un modèle à part entière dont la légimité mérite d’être défendue. Connu pour son expansionnisme, il inclut dans son champ d’application les opérateurs publics, explicitement visés par l’article 106 TFUE. Dès lors que les opérateurs publics répondent aisément aux critères de qualification de position dominante, le droit des abus de position dominante permet aux autorités et juridictions de la concurrence d’exercer un contrôle très approfondi sur leurs comportements de marché. Cette approche dirigiste du modèle européen de la concurrence s’explique par ses racines intellectuelles ordo-libérales. C’est, ainsi, à l’égard du secteur public que les concepts ordo-libéraux, sur lesquels repose la politique européenne de la concurrence, trouvent leur effectivité maximale. Mais l’article 102 TFUE n’a pas été épargné par le mouvement de modernisation qui irrigue le droit de la concurrence. Décriés pour leur sévérité et leur rigidité excessifs, les outils de contrôle habituellement pratiqués font l’objet d’un profond renouvellement doctrinal. Sous l’influence de l’analyse économique, les autorités nationales et la Commission européenne, sont désormais tentées de scruter les comportements anticoncurrentiels des entreprises dominantes à l’aune des effets concrets qu’ils produisent sur le marché. La défense du bien-être des consommateurs devient l’objectif ultime à viser. La Cour de justice se montre, en revanche, encore très attachée à sa conception traditionnelle des finalités assignées au contrôle des abus de position dominante. Elle défend un droit orienté vers la protection du processus concurrentiel. Ce modèle conserve une pertinence importante s’agissant d’appréhender les comportements spécifiques émanant du secteur public. Capable d’aménager ses raisonnements pour tenir compte des privilèges et des contraintes d’intérêt général liés à l’interventionnisme marchant, il se présente comme un moyen efficace de réguler la concurrence du secteur public.
Communauté scientifique et ordre étatique : contribution à l’étude des rapports entre concept sociologique et théorie juridique : le cas français du droit de la recherche
par Richard Kitaeff, soutenue 17/01/2015
Le droit de la recherche, entendu en tant que discipline juridique, concerne la régulation de la recherche scientifique entre les impératifs opposés de la science et du droit. Il est donc question, à travers cette construction juridique de l’objet « science » par le « droit de la recherche », de comprendre les modes d’émergence et les fonctions – l’élaboration et la régulation – d’un tel droit à la fois gardien et contradicteur des institutions savantes. L’intérêt et l’utilité du droit de la recherche pourraient bien être de montrer, à travers une analyse juridique des comportements scientifiques, comment fonctionne le droit entendu en tant que technique. Est-ce que la théorie juridique peut saisir un objet sociologique ? Pour répondre, le concept de « communauté scientifique », bien connu en sociologie des sciences (voir notamment Robert K. Merton et la « structure normative » de la science), va être analysé suivant la théorie de l’ordre juridique du constitutionnaliste italien Santi Romano, afin de mieux comprendre la définition du concept d’ordre juridique. Finalement, il apparaît que la régulation opérée par l’ordre juridique étatique contrarie l’indépendance de la science, notamment la sphère universitaire, et ne parvient pas toujours à en assurer la protection là où l’État devrait justement sauvegarder et promouvoir la quête de savoir. Serait-il possible, dès lors, de consacrer une science libérée de son hétéronomie par rapport à l’Etat ? C’est toute la proposition finale de la création d’un statut juridique authentique pour le chercheur et, notamment, de la résolution des conflits scientifiques par des Cours scientifiques de nature prud’homale
La confusion du droit et de la « science du droit » : étude critique d’épistémologie juridique
par Aristoménis Kanellopoulos, soutenue le 03/12/2018
Cette thèse interroge l’idée, fondamentale dans la philosophie juridique française, qui consiste à opposer formellement le droit et la science du droit. Cette opposition est l’application à la recherche en droit du dualisme sujet/objet, importée de la philosophie scientifique. Elle a conduit l’épistémologie juridique positiviste à déterminer des règles strictes en vue d’accéder à une véritable recherche scientifique sur le droit. Cependant, les théories sémantiques qui poursuivent les lignes de l’opposition du droit et de la science du droit reposent sur des bases fragiles et contestables. En particulier, la dissociation entre le langage juridique et le langage de la science du droit semble avoir été forcée par l’épistémologie juridique en vue d’entretenir l’idée d’une science du droit. Il semble toutefois possible de concevoir la recherche en droit autrement qu’en ayant recours aux fondamentaux de la philosophie scientifique. La philosophie herméneutique, fondée sur le rapport sujet/sujet, a été approfondie pour concevoir l’idée que le droit, pour les chercheurs en droit, consiste en une discussion à laquelle il leur importe de participer. Dans ce cadre, les prétentions à la scientificité par les chercheurs en droit doivent être interrogées, ainsi que les règles épistémologiques qui encouragent à la dissimulation d’un engagement dans la discussion juridique. Il importe au contraire de reconnaître la liberté des chercheurs en droit dans leur participation à la résolution de problèmes juridiques, ainsi que de saisir l’éclectisme de la recherche en droit au sein d’une épistémologie juridique démocratique. L’idée de science du droit est un obstacle à ces interrogations
Le sérieux et le manifeste en droit judiciaire privé : contribution à une étude de la certitude en droit
par Clovis Callet, soutenue le 04-12-2015
Le moyen sérieux et l’appréciation manifeste sont des notions bien connues des processualistes qui suscitent toujours la défiance et la circonspection. Elles connaissent pourtant un succès législatif spectaculaire et interviennent dans l’application d’un grand nombre de textes dont l’importance pratique et juridique n’est plus à démontrer. Encore considérées comme la clé la plus insaisissable des dispositifs dans lesquelles elles sont intégrées, ces notions appellent une étude synthétique. Faisant le lien entre des analyses doctrinales éparses qui ne s’intéressent à ces notions qu’au sein d’une procédure identifiée, la thèse tente d’en dégager une définition généralement et globalement opérante. Un examen attentif de la jurisprudence conduit à rejeter la définition classique fondée sur l’évidence et à lui substituer une définition fondée sur le concept plus large de certitude.La réflexion glisse alors imperceptiblement vers la théorie du droit et se tourne vers la question de la vérité en droit. Une connaissance objective des règles de droit est-elle possible ?A la recherche d’une définition succède naturellement une recherche des fonctions des notions. Véritables facteurs de rationalisation du droit processuel, elles y occupent une place essentielle. En dégageant les fonctions pratiques et juridiques des notions, la thèse est amenée à sortir des hypothèses consacrées et à rechercher si les conditions du recours à ces notions ne sont pas déjà réunies dans des dispositifs où il n’y est pourtant pas expressément fait référence. Elle quitte même le terrain du droit positif pour interroger la rationalité des mécanismes dont la mise en œuvre dépend des notions étudiées
L’interprétation du droit uniforme du commerce international en Russie : l’exemple de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises
par Maria Nikonova, soutenue le 25/01/2017
Les opérations du commerce international ont besoin de sécurité juridique. Le droit matériel uniforme se présente comme une réponse à ce besoin, offrant aux opérateurs du commerce international des règles uniformisées et adaptées aux transactions internationales. Toutefois, l’efficacité de cette réponse dépend fortement de la façon dont le droit uniforme est mis en Å“uvre par les juges nationaux et par les arbitres du commerce international. L’objectif de cette étude est donc de proposer une analyse critique de la pratique de l’interprétation des règles de droit uniforme en Russie en prenant comme exemple le droit uniforme de la vente internationale de marchandises établi par la Convention de Vienne de 1980. Au terme de cette analyse, il apparaît que les particularités du système juridique et judiciaire russe ont des implications non négligeables sur l’interprétation du droit conventionnel uniforme. Si l’intégration des conventions internationales dans le système juridique russe est censée garantir leur application par les juges étatiques, elle se trouve également à l’origine de la confusion opérée entre les règles du droit uniforme et celles du droit national. Confusion, qui amène les juges russes à interpréter les règles du droit uniforme à la lumière du droit national, mettant ainsi en danger l’uniformité de l’application du droit matériel international. En l’absence du principe de « stare decisis » transnational, l’uniformité de l’interprétation des règles du droit uniforme ne peut être assurée que grâce à une coopération et un dialogue entre les interprètes […]
La prudence du juge : l’exemple japonais
par Gaël Besson, soutenue le 23/03/2018
Qu’est-ce que la prudence du juge ? La question n’est pas nouvelle, mais les auteurs s’intéressent plus souvent aux raisons de la prudence (le pourquoi) qu’à la manière de cette prudence (le comment). Dans cette recherche, nous optons pour la seconde approche : la prudence est un ensemble de techniques utilisées par le juge. Quelles sont ces techniques, ces doctrines de prudence ? Certaines comme la société divisée ou la question politique, mettent à mal l’idée même de pouvoir judiciaire. D’autres comme le litige juridique ou la disposabilité, empêchent l’accès au tribunal. Et dans le procès de la norme si particulier qu’est le contrôle de constitutionnalité, certaines permettent au juge d’éviter la question qui lui est posée, d’éviter de regarder le texte de loi que l’on lui demande de sanctionner, et surtout d’éviter de regarder la constitution. Nous présenterons ces doctrines et leurs origines diverses. Elles sont américaines, allemandes, françaises et pour les plus créatives d’entre elles, japonaises. Si le juge japonais est considéré comme l’un des plus prudent du monde pour n’avoir en soixante ans procédé qu’à une dizaine de déclaration d’inconstitutionnalité conduisant à l’annulation de la norme, si 90% des contentieux administratifs se soldent par une victoire de l’état, la raison et la manière se trouvent dans ces doctrines
Le revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel
par Romain Armand, soutenue le 28/11/2018
Notre étude portera sur le revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si la présente étude intervient dans le contexte particulier du contentieux constitutionnel, et que les données empiriques analysées dans la présente étude sont principalement constituées des décisions du Conseil constitutionnel, ainsi que des comptes rendus de séance du même Conseil, cette recherche dépasse le cadre du contentieux constitutionnel, et, se veut être, une véritable investigation conceptuelle menée sur le concept de revirement de jurisprudence. En effet, le concept de revirement de jurisprudence, originairement doctrinal, et qui est aujourd’hui en passe de devenir un concept courant de la pratique juridictionnelle, est un concept qui permet de désigner un phénomène jurisprudentiel pratiqué par l’ensemble des ordres de juridiction du système juridique français. La présente étude se propose, d’approfondir ce concept de revirement de jurisprudence, en recourant à des moyens théoriques (issus notamment de la linguistique, de la psychologie, de la théorie et de la philosophie du droit, de la philosophie, de l’histoire du droit, de l’épistémologie et de la logique formelle), jusqu’ici jamais introduits dans le champ d’inspection du revirement de jurisprudence. Cependant, bien que nourrie d’exotisme théorique, cette étude n’est pas en reste sur le plan de l’analyse juridique, et apportera au lecteur une solide analyse des décisions du Conseil constitutionnel qualifiées de revirements de jurisprudence, ainsi qu’une analyse des causes et des conséquences du revirement de jurisprudence, dans le contexte particulier du contentieux constitutionnel
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